Témoignage d’une famille face au glioblastome

L’association des étoiles dans la mer, vaincre le glioblastome remercie cette jeune femme courageuse et sa famille pour ce témoignage émouvant qui montre les difficultés, les incompréhensions et les souffrances qui accompagnent le diagnostic de cette maladie.

Aujourd’hui, nous souhaitons partager l’histoire de notre warrior, notre étoile, notre papa. J’espère que notre témoignage pourra être utile à certains d’entre vous.

Notre vie a volé en éclat le 2 juillet 2020, date du diagnostic du Glio. Maladie dont nous n’avions jamais entendu parler jusqu’alors. Un cancer. Pas un foyer, ni deux…mais 4 tumeurs dans la tête de notre papa. Le choc, la sidération. Presque 60 ans, sportif et en bonne santé, tout juste grand-père pour la 1ère fois depuis mi-mai, une vie de travail, une retraite bien méritée prévue pour fin 2020 avec une construction fraichement terminée dans le sud de la France pour profiter de sa retraite au soleil….tout un nouveau chapitre qui s’ouvre à lui. Pourtant, il n’aura profité de rien. Il s’est envolé le 31 décembre 2020 après 6 mois de combat. Nous sortons de cette bataille épuisées et traumatisées. L’amertume est intense et le vide qu’il a laissé est immense. Cela va faire 2 mois et notre chagrin est croissant. « Glioblastomisation », c’est le nom que nous avions donné à ce combat. Bien décidées à kicker le cancer, certaines que nous sauverions notre papa et qu’il serait l’exception. Nous parlons ici des symptômes, du diagnostic et traitements conventionnels, de l’HAD (hospitalisation à domicile), de son départ, des supplémentations, nous nous interrogeons sur l’épidémiologie. Nous y exposons également nos incompréhensions et points de vigilance, à notre sens.

Les symptômes

Le confinement arrive et en mars/avril notre maman trouve papa assez fatigué. Il dort beaucoup. Nous mettons ça sur le compte du déménagement en préparation, de la construction de la maison qui s’achève et du travail. Puis mi-juin les premiers troubles moteurs et cognitifs. Papa « traine la patte », à quelques problèmes de sphincters et semble désinhibé. Plus irritable aussi. Lui d’habitude si doux, jamais un mot plus haut de l’autre. Quelques chose cloche c’est certain, rdv est pris avec son médecin traitant qui prescrit un scanner.

Le diagnostic

Une semaine d’attente pour le scanner. Entre temps l’état de papa se dégrade, il est de plus en plus confus. On pense à un AVC. Direction les urgences qui nous renvoient chez nous après 6h d’attente trouvant notre papa très « cohérent et orienté ». Covid oblige ma mère n’a pas pu assister et doit hausser le ton pour parler au médecin qui a reçu mon père. Refus de faire passer un scanner en urgence. Nous faisons admettre papa dans un hôpital Parisien quelques jours plus tard, non sans mal et grâce à notre réseau. Nous avons été étonnées de la difficulté à être pris en charge par l’hôpital public, des mois d’attente…première incompréhension. Scanner du tronc, IRM cérébrale puis ces mots dits avec délicatesse mais qui restent tout aussi cruels « Nous ne pourrons pas le sauver ». Suspicion de Glioblastome avec œdème engageant le pronostic vital. Corticoides IV à haute dose pendant 2 semaines, le temps de prévoir la biopsie pour confirmer le diagnostic. L’espoir renait, si on doit confirmer alors il y a une chance que les médecins se soient trompés. Biopsie réalisée mi-juillet puis 2 semaines d’attente supplémentaires. 2nd incompréhension : pourquoi ne rien faire, ne rien donner pendant tout un mois connaissant l’agressivité de cette maladie ? Nous avons littéralement subi cette lourdeur administrative.

Fin juillet, le diagnostic est confirmé. Glio non opérable. Notre père ne semble pas prendre conscience. S’en suit pour la famille toutes les explications sur la survie médiane, le manque de traitement efficace tout ça dit de façon mécanique, presque empressée. Jamais papa n’aura eu connaissance de l’issue fatale de la maladie et nous pensons qu’il en a été mieux ainsi. Le médecin nous indique que la réunion de concertation a eu lieu et que papa devrait rapidement commencer chimio et rayons. L’oncologue doit nous expliquer ça le lendemain. Nous retrouvons notre père un peu perdu, comme sonné, qui nous regarde et nous dit « c’est la vie ». Notre cœur se brise.

Le lendemain rdv avec l’oncologue. Changement radical de discours. Trop de foyers, trop étendu, ne prend pas le risque de faire les rayons. Proposition de Témodal à faible dose sur 1 mois avec point fin août. Estimation à 30% de chance d’embrayer sur des rayons. 3e incompréhension : pourquoi ce changement de discours à 24h d’intervalle ? À quoi servent les réunions de concertation si le discours n’est pas identique ? Un nouveau coup de massue. Nous demandons un 2nd avis auprès d’un autre hôpital Parisien. Entre temps, papa sort avec une ordonnance indiquant une décroissance des corticoïdes. Il tombe rapidement dans un coma vigil. Apparemment il n’aurait jamais fallu arrêter les corticoïdes sur une tumeur seulement biopsiée. 4e incompréhension…

Le 2nd hôpital prend en charge notre père début août, non sans avoir insisté encore et encore car la guerre des lits fait rage. Revue du cas de papa et décision de faire les rayons. Papa est relativement jeune et en bonne santé avant la maladie, pour eux ne pas faire les rayons serait une perte de chance. Soulagement pour nous, on avance. Sur le mois d’août, 2 injections d’Avastin à 2 semaines d’intervalle en attendant la mise en place de la radiothérapie. Le protocole stupp débute dans les premiers jours de septembre. Sur 3 semaines au lieu des 6 semaines standards, mais avec une dose totale de rayons équivalente, rayons plus forts mais sur une plus courte durée. Papa supporte bien dans l’ensemble. Perte des cheveux à l’endroit des rayons. Il retrouve une certaine mobilité suite à l’Avastin. A la fin des rayons il fait quelques pas avec le déambulateur. On y croit.

Fin septembre, fin de la radiothérapie. Papa doit récupérer de la mobilité. Sur les conseils de l’équipe soignante il est transféré dans un centre de rééducation dans le sud de la France. La maison en région Parisienne a été vendue entre temps et leur nouvelle résidence se trouve maintenant du côté de Marseille. Il sera donc suivi dans l’hôpital de la région. Nous croyons dur comme fer qu’il peut retrouver sa mobilité, les résultats ne sont malheureusement pas concluants. En accord avec le centre et devant la recrudescence des cas covid et le peu de temps de visite accordé et au vu de l’absence de bénéfice de la rééducation, nous prenons la décision d’admettre papa en HAD le 19 octobre. Notre meilleure décision. Nous avons pu rester pleinement auprès de lui. Nous avons pu trouver certains moments de joie et d’échange au milieu de cet océan de détresse, mais également l’entourer de tout notre amour.

HAD (Hospitalisation à domicile)

Au début tout se passe « bien ». Un duo d’infirmiers libéraux au top qui passent matin et soir. On sort papa sur la terrasse avec le fauteuil, on prévoit de l’emmener à la mer… puis une douleur fulgurante dans le dos. Une douleur qui ne lui laisse aucun répit. Scanner du dos révélant plusieurs tassements vertébraux. Fragilité des os due aux corticoïdes. Il aurait fallu donner dès le début une supplémentation en calcium/vitamine D. Ça n’a pas été le cas. 5e incompréhension. Etait-ce à nous de la demander ? Je ne pense pas. Les médecins se focalisent sur la tumeur en oubliant, à notre sens, les conséquences potentielles des traitements pouvant grandement impacter la qualité de vie. Cette douleur a forcé papa à l’alitement, avec morphine, et nous a volé ses derniers mois. Moral en berne et/ou progression de la maladie, l’état de papa se dégrade. La 2e vague de Chimio 5J/mois avait pu être donnée par voie orale, la 3e doit maintenant se faire par IV à l’hôpital car papa a de plus en plus de mal à déglutir, à parler. Il sera maintenant « nourri » par IV (intraveineuse). Un pic line est posé pour éviter de solliciter ses veines déjà fragilisées. Il tousse beaucoup, à s’en étouffer. On nous parle de patch de scopolamine. Faut-il les mettre ou pas ? C’est peut être « trop tôt ». Pas de décision claire de l’équipe soignante, nous ne les mettrons pas, dans le doute. Nous aurions peut-être dû. Des aspirations sont faites par les infirmiers pour soulager les glaires.

Changement d’équipe HAD avec intervention de leur personnel pour une raison que nous ne comprenons pas (trop de soins IV apparemment…). Et là, le balais des soignants, jusqu’à 4 personnes différentes par jour. Avec la perte d’information inévitable à laquelle on peut s’attendre. Nous avons senti un manque de coordination entre le terrain et les décisionnaires. Devant faire, nous, sans cesse le relais, appeler, relancer, poser des questions, creuser…

L’IRM de contrôle est prévue le 23/12 jour de ses 60 ans. Les résultats ne seront que pour début janvier. Le Pr qui suit maintenant papa s’étonne que l’Avastin n’ait pas été continué en août, toutes les 2 semaines. 6e incompréhension : pourquoi tant de discordes sur la marche à suivre dans la prise en charge du glioblastome ? Pourquoi semble-t-il que nous n’ayons pas les mêmes chances en fonction de l’endroit dans lequel nous sommes suivis ? Sans pour autant blâmer les médecins qui se trouvent aussi désemparés que nous devant cette maladie complexe et sournoise, avec des spécificités individuelles propres, nous l’entendons. Pour autant, nous déplorons un manque de lignes directrices claires et égalitaires.

Le décès

Nous nous sommes souvent posé la question : de quoi on meurt quand on a un glioblastome ? Plusieurs causes possibles, certainement. Pour notre papa, cela a commencé par une cyanose au niveau des pieds. On pense à une mauvaise circulation, on masse, on informe les infirmiers. Le lendemain identique, pas d’affolement de l’équipe soignante « on verra l’évolution demain ». Le surlendemain cyanose étendue aux jambes puis décompensation brutale, la saturation en oxygène chute. On appelle le SAMU qui considère la situation assez urgente mais n’est pas inquiet outre mesure. On est angoissées mais Papa a déjà fait 2 épisodes similaires en 2 semaines avec séjours de 2/3 jours à l’hôpital sous antibiotiques, ça va aller. Un dernier bisou avant qu’il ne parte avec le SAMU ce 31 décembre, pour ne jamais revenir. On nous dit de venir à l’hôpital pour le voir car l’état devient préoccupant. Le temps qu’on arrive, « votre papa est parti » nous annonce l’infirmière. Arrêt cardio respiratoire. Le vide. Notre pilier, parti. Une douleur atroce, transperçante. Mais aussi un soulagement. Soulagement de ne plus le voir diminuer de jour en jour et qu’il se voit diminuer, de ne plus le voir souffrir, ne plus affronter cette maladie qui lui a pris toute dignité. Notre papa est resté doux jusqu’à la fin mais nous avons été profondément marquées par sa transformation physique. La disparition de l’étincelle de vie dans ses yeux, jour après jours.

Les résultats de l’IRM du 23/12, communiquées après son décès, mettront en évidence une progression de l’infiltration du glio, sans extension.

Supplémentations

Ce paragraphe pour vous faire part de ce que nous avons donné à notre papa en parallèle des traitements conventionnels. Nous avons débuté avec la mise en place du régime cétogène sur 3 semaines ne pouvant pas le faire respecter plus longtemps à la suite de l’hospitalisation dans le 2e hôpital. Puis avec la supplémentation métabolique du Dr Schwartz début août jusqu’à quasiment la fin. Nous avons contacté l’association cancer et métabolisme pour le protocole et également un spécialiste sur Paris. Nous avons également administré des huiles essentielles à la suite d’une consultation avec le Dr Giraud. Nous avons également fait appel à un guérisseur, un coupeur de feu. Cherché des pistes dans d’autres pays (suisse, Israël,Madagascar…) pour de possibles opérations ou nouvelles thérapies et retourner internet pour essayer de sauver notre père. En vain. Toutefois, ce que nous retenons et aimerions vous faire partager c’est de ne pas hésiter à demander un 2e avis, de poser toutes vos questions aux médecins, de creuser et même challenger si vous avez le moindre doute ou si quelque chose ne vous semble pas claire. C’est votre droit.

La cause

Une autre question qui nous hante : d’où vient le glioblastome ? Quelles sont les causes ? Papa était sportif, de nature joyeuse. Est-ce les pesticides ? Les ondes ? Une susceptibilité génétique ? Le stress ? papa gérait beaucoup de choses ces derniers temps. Un choc émotionnel ? le décès de notre grandmère, sa mère, a-t-il un lien ? Mais la finalité est que nous ne savons pas et restons sans réponse ce qui est très dur à accepter pour nous. Comprendre pourrait nous aider à aller de l’avant. Pour le moment nous le vivons comme une injustice.

Nous souhaitons que la recherche avance rapidement aussi bien dans les traitements que sur les causes épidémiologiques pour que plus aucune famille ne soit détruite par cette glioperie.

Ce dernier paragraphe est pour toi papa. Tu as été notre rayon de soleil, notre confident, notre allié. Peu importe les aléas de la vie car nous étions ensemble. Nous vous devons, avec maman, d’être les jeunes femmes que nous sommes aujourd’hui. Nous sommes si fières d’avoir eu cette chance de t’avoir eu comme papa. Nous parlerons de toi à ton petit fils, sans cesse pour qu’il ait également cette chance de percevoir l’être merveilleux que tu étais. Nous devons apprendre à vivre sans ta présence même si nous savons que tu ne seras jamais loin.

« Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis »

On t’aime Abba