Epidémiologie clinique et glioblastome du cervelet

D’une manière générale l’épidémiologie est une science qui étudie des problèmes de santé au sein de populations. L’épidémiologie moderne se divise schématiquement en 3 volets : l’épidémiologie descriptive, l’épidémiologie analytique ou causale, et l’épidémiologie clinique.

– L’épidémiologie descriptive étudie l’incidence (le nombre de nouveaux cas sur une période de temps et pour un nombre d’individu, le plus souvent exprimé en X cas pour 100 000 habitants et par an), la prévalence (le nombre de cas -nouveau et ancien- à un moment donné dans une population donnée), la mortalité, la répartition selon le sexe, l’âge, etc.

– L’épidémiologie analytique ou causale recherche les facteurs de risque d’une maladie (un facteur de risque est un élément augmentant la probabilité de développer une maladie). Un facteur de risque peut être génétique, environnemental, ou fonctionnel, ou une interaction entre différents facteurs.

– l’épidémiologie clinique étudie les facteurs pronostiques spontanés (âge, sexe, état fonctionnel, particularité biologique et ou génétique, etc.) et les facteurs pronostiques thérapeutiques (traitements et enchainement des traitements) à l’échelle de la population. Elle participe ainsi à déterminer les prises en charge thérapeutiques les plus adaptées en fonction de différents facteurs intrinsèques et extrinsèques.

Pour ce petit article dédié aux Etoiles dans la Mer, l’auteur vous propose un exemple à propos l’épidémiologie clinique du glioblastome du cervelet.

Le glioblastome est la tumeur primitive maligne du système nerveux central (SNC) la plus fréquente, mais le glioblastome touche les différentes parties du SNC de manière inhomogène. En effet, il se développe principalement dans la substance blanche du SNC, mais ce sont les hémisphères cérébraux qui sont le plus souvent touchés. Les glioblastomes naissant dans le tronc cérébral, le cervelet ou la moelle épinière sont beaucoup plus rares. Par exemple, les glioblastomes du cervelet représentent moins de 1% de l’ensemble des glioblastomes. Dans cette topographie, la maladie est moins bien connue et les prises en charge thérapeutiques ne sont pas standardisées.

Grace au travail effectué par le Recensement national histologique des Tumeurs Primitives du Système Nerveux Central (RnhTPSNC) (ou French Brain Tumor DataBase, en anglais) et les neurochirurgiens français impliqués dans la prise en charge des patients atteints de tumeurs du SNC, il a été possible de collecter des informations pertinentes pour 118 cas.

Plusieurs points importants ressortent de ces travaux, par exemple :

La présentation clinique des glioblastomes cérébelleux est souvent différente. L’âge médian au diagnostic est un peu plus jeune (56 ans versus 64 ans en population générale). Environ 50% des patients ayant une atteinte cérébelleuse présentent des signes cliniques d’hypertension intra crânienne, le plus souvent associés à une hydrocéphalie. L’hydrocéphalie est une accumulation de liquide céphalorachidien (LCR) qui ici est due le plus souvent à un blocage de l’écoulement du LCR par la tumeur. Cette hydrocéphalie peut nécessiter parfois un geste neurochirurgical de dérivation en urgence.

Par ailleurs, comme le diagnostic de glioblastome du cervelet est rare, son diagnostic est difficile et souvent d’autres hypothèses sont avancées (en particulier une métastase d’un cancer d’un autre organe, voire une pathologie infectieuse, ou même inflammatoire). Une biopsie est parfois réalisée à titre diagnostique. Cependant, les résultats de l’étude montrent que lorsque cela est possible, l’exérèse de la tumeur permet un meilleur pronostic que la biopsie seule. Une meilleure connaissance de cette topographie permet donc de proposer une meilleure prise en charge.

Enfin, il semblerait que la biologie des glioblastomes cérébelleux soit en partie différente de celle des glioblastomes des hémisphères cérébraux. Des travaux sont en cours. Ce point est important, car la recherche de nouveaux traitements basés sur la biologie (thérapies ciblées, médecine personnalisée, etc.) permet d’espérer améliorer le pronostic de ces tumeurs.

Les travaux résumés ici ont été publiés très récemment dans des revues scientifiques (Picart et al. J Cancer Res Clin Oncol. 2021 Jun;147(6):1843-1856. doi: 10.1007/s00432-020-03474-6 ; Picart et al. Neurosurg Rev. 2021 Jul 1. doi: 10.1007/s10143-021-01578-2. In Press). Le deuxième article porte la mention avec le soutien « des Etoiles dans la Mer ».

Donc, un grand merci à l’association des Etoiles dans la Mer qui soutient les travaux épidémiologiques.

Luc Bauchet1,2,3

  1. Département de Neurochirurgie, CHU Montpellier
  2. Recensement national histologique des Tumeurs Primitives du Système Nerveux Central
  3. Institut de Génomique Fonctionnelle, CNRS, INSERM, Montpellier